La comète de 1744
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La grande comète de 1744, connue sous le nom de comète de Chéseaux (C/1743 X1), est découverte en décembre 1743 par Jan de Munck à Middelburg, puis par Dirk Klinkenberg à Haarlem et enfin, quelques jours plus tard, par Jean-Philippe de Chéseaux à Lausanne1. Visible durant plusieurs mois en 1744, elle est classée aujourd’hui dans la catégorie des « grandes comètes ». Lorsqu’elle atteint son point de périhélie, vers le 1er mars 1744, elle est observable à l'œil nu. Elle donne matière à de nombreuses observations, dont les Osservazioni delle cometa, rédigées conjointement en 1744 par Gianpaolo Guglienzi et Jean-François Séguier.
L’intérêt de Séguier pour l’astronomie est précoce. Il acquiert les premiers rudiments auprès du père Nicolas Sarrabat de la Baisse, qui est pour lui un véritable mentor (Séguier lui soumet ses premiers écrits d’antiquaire). Séguier assiste à Nîmes le jésuite et le père capucin Emmanuel de Viviers dans l’observation de l’éclipse de lune du 8 août 17292. Au cours de ses pérégrinations, entre 1732 et 1736, son savoir théorique s’accroit rapidement : il côtoie des figures de premier plan de l’astronomie, notamment Louis Godin et Charles-Marie de la Condamine, peu avant leur départ pour les Amériques, mais aussi Jacques Cassini et Jean-Jacques Dortous de Mairan, avec qui il conserve des liens durables. Il fréquente l’Observatoire et assiste à de nombreuses séances de l’Académie. Il est probable qu’il ait alors participé à l’observation de l’éclipse de soleil du 3 mai 1734. En Angleterre, il fait la connaissance de Martin Folkes qui lui permet d’accéder aux tables de Halley, alors qu’elles ne sont vraiment diffusées qu’à partir de 1749. Il ne semble pas avoir rencontré Halley en personne, même si de toute évidence il put visiter Greenwich. Ce séjour londonien lui permet en tout cas de perfectionner ses connaissances pratiques, en découvrant les instruments de facture britannique, auxquels il faut ajouter les remarquables planétaires (orrery) que l’on conservait à Portsmouth.
On possède malheureusement peu d’éléments sur les travaux astronomiques qu’il entreprend à Vérone. Sa correspondance nous apprend qu’il mit en relation Dortous de Mairan, en 1738, avec Giovanni Giacomo Marinoni qu’il avait rencontré à Vienne. En mars de la même année, il lui envoie ses premières observations, sur une aurore boréale survenue le 16 décembre 1737 (Dortous avait publié en 1733 un Traité physique et historique de l’aurore boréale). Il faut de fait attendre l’année 1743 pour trouver mention explicite d’une observation directe. Il s’agit de celle d’une éclipse totale de lune, réalisée avec Gianpaolo Guglienzi (« mon bon ami et mon compagnon d’astronomie » comme le qualifie en 1750 Séguier). Docteur en droit, physicien et astronome, Guglienzi avait construit chez lui une méridienne de grande dimension et possédait une riche collection d’instruments mathématiques3. Il permet ainsi à Séguier d’accéder à un instrumentarium de premier choix, qui lui était jusqu’ici inaccessible.
La série d’observations transcrites dans les Osservazioni delle cometa est toutefois réalisée à partir de la piccola specola du palais Maffei, restaurée pour l’occasion. La première, si l’on suit l’ordre chronologique, concerne l’éclipse de Lune du 1er novembre 1743. Guglienzi et Séguier réalisent à cette occasion des relevés particulièrement soignés, qui sont communiqués dès mars 1744 à Dortous de Mairan, qui les transmet à Joseph-Nicolas Delisle. Les deux hommes profitent de l’occasion pour essayer de déterminer la longitude de Vérone, en s’appuyant sur les travaux analogues qui avaient été réalisés à Bologne et à Padoue. En mobilisant son réseau de correspondance, Séguier a obtenu les relevés réalisés par l’évêque de Bayeux et par Jan de Munck à Middelburg, ainsi que ceux réalisés lors du passage de Mercure à l’observatoire de Paris. La Connaissance des temps, les Ephemerides motuum coelestium de Manfredi, les tables de Capello et de Flamsteed, ainsi que les travaux de Bianchini, leur permettent d’affiner leurs observations et d’aboutir à un résultat assez proche de celui du chanoine Angelo Felice Capello dans son Astrosofia (1733-1746).
Quelques mois plus tard, ils préparent l’observation de la comète, annoncée dès le mois de janvier. Le temps fortement nuageux ne leur permet pas de l’observer avant le 31 du même mois. Ce soir-là, ils la repèrent dans la constellation de Pégase. Ils en notent immédiatement la position en s’appuyant sur les désignations de Johannes Bayer4. Laissant de côté le traditionnel télescope immobile équipé d’un micromètre, Guglienzi a conçu un dispositif pour pouvoir l’observer dans la durée, en prenant des mesures à partir d’un point de repère invariable. Il installe un demi-cercle gradué sur un piédestal. Autour du centre de celui-ci pivotent deux fils de laiton rigide, disposés à angle droit et placés dans le plan focal des deux lentilles d’un télescope (il s’agit probablement de la lunette de 17 pieds vénitiens, réalisée pour Séguier par Domenico Solva). Le fil perpendiculaire représente le méridien et l’autre le parallèle. Il suffit ensuite de suivre la comète le long du fil transversal, en notant le temps du passage à la croisée des deux fils, en se repérant grâce aux positions d’étoiles connues. La mise au point du système est quelque peu laborieuse, mais les deux hommes peuvent effectuer leurs premiers relevés le 2 février. La forte nébulosité empêche toute nouvelle observation du 3 au 6, mais ils reprennent le 7 et poursuivirent jusqu’au 4 mars, la comète étant visible à l’œil nue depuis le 28 février. Enfin, ils observent dans de bonnes conditions l’éclipse de Lune du 26 mars 1744, se contentant de relever les heures réelles des phases d’immersion et d’émersion.
Imprimée en août 1744 par la Stamperia del Seminario, la brochure de 32 pages, dont 14 consacrées à l’observation de la comète, semble avoir été largement diffusée. On la retrouve en tout cas dans de nombreuses bibliothèques publiques de France et d’Italie. En 1745, elle est insérée dans le volume 32 des Raccolta d’opuscoli scientifici, e filologici du père Calogerà, ce qui contribue encore à sa diffusion.
Conscient de l’importance de l’événement et de son retentissement dans le monde savant, Séguier n’hésite pas à la communiquer largement, notamment en France. Il envoie ainsi un exemplaire à la Société royale des sciences de Montpellier par l’intermédiaire du président François-Xavier Bon de Saint-Hilaire, son parent. Cette démarche s’avère fructueuse : en mai 1749, il est élu membre correspondant de Pierre-François de Guilleminet. Séguier continue par la suite à communiquer aux astronomes montpelliérains ses observations, mais aussi celles qu’il obtient en Italie. Il se charge notamment, en 1750, de faire parvenir les Ephemerides notuum coeslestium d’Eustachio Zanotti à l’académie. Il traduit les observations de Guilleminet sur l’aurore boréale qu’il transmet à Francesco-Maria Zanotti, secrétaire de l’Istituto delle scienze de Bologne5. Séguier sert ainsi de passeur entre les astronomes bolonais et leurs confrères montpelliérains. Il envoie également douze exemplaires de la brochure en novembre 1745 à Jean-Jacques Dortous de Mairan, qui les distribue à Claude Gros de Boze, au docteur Falconet, à l’évêque de Bayeux, à Jean-Philippe Maraldi, mais aussi à Pierre Bouger, Pierre-Charles Le Monnier et Jacques Cassini.
Réaumur en reçoit également un exemplaire. Lorsque Séguier devient son correspondant à l’Académie royale des sciences quatre ans plus tard, il lui communique régulièrement ses observations, notamment celles des deux éclipses de soleil survenues en juillet 1748 et janvier 1750, qui sont transmises à Delisle (la seconde, effectuée à Venise, est imprimée). Séguier le tient ainsi constamment informé des travaux parus en Italie mais décline l’invitation qui lui est faite de participer à l’observation de Mars, faute d’instruments suffisamment précis (Guglienzi s’est éteint en 1750).
La brochure circule enfin en Italie, mais il est difficile de prendre la mesure des liens qu’entretient Séguier avec les savants italiens. S’il ne semble pas avoir correspondu directement avec Eustachio Zanotti, il est en relation avec le père Capello à Venise. Il n’échange pas de correspondance non plus avec les figures les plus saillantes de l'astronomie italienne, comme les pères Niccolo, Dalla Briga ou Asclepi, dont il connait toutefois les publications.
Fort des relations qu’il avait réussi à nouer en France dans les années 1740, il réussit à renforcer ses réseaux d’échange dès son retour en France, mais perd rapidement tout lien avec ses interlocuteurs italiens. Malgré la solidité de ses observations, Séguier reste fondamentalement un acteur mineur du monde de l’astronomie.
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Osservazioni della cometa di quest’anno 1744, Vérone, Stamperia del Seminario, 1744
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Observation de la comète de 1744
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Date
Nuova, e distinta relazione degli influssi che significa la cometa…, Milan, Parme et Vérone, D. Ramanzini, 1744.
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Traité sur la comète de 1744