Le plan du Jardin du roi
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Lorsque Séguier découvre le Jardin du roi, en 1733, dans les premiers mois de son arrivée à Paris, l’institution parisienne lui paraît loin d’égaler le paradis montpelliérain de ses premières études botaniques. Nonobstant la célébrité de son démonstrateur, Antoine de Jussieu, « tout y est bien négligé », écrit-il alors à Pierre Baux1 . Dès l’année suivante, pourtant, il est tombé sous le charme de l’endroit :
Rien n’est plus beau, pour un botaniste, que le coup d’œil du Jardin du roi où sont les simples. On l’a fort agrandi et embelli depuis l’année dernière. Vous ne sauriez croire quelle quantité ils ont d’aloès, de mélocactus, de rithymale, d’euphorbe. Ils ont 4 ou cinq arbres nommés Draco arbor, plusieurs palmiers, pistachiers, l’avocat, deux cafés et mille autres dont je vous rendrai un compte plus exact dans le mois prochain parce que j’ai résolu de suivre les leçons cette année-ci2.
Cette réévaluation de l’état du jardin doit beaucoup à la politique impulsée par le nouvel intendant du jardin, le chimiste Charles François de Cisternay du Fay (1732-1739), ou, a minima, à la manière dont le changement de direction est immédiatement apprécié par les milieux savants de la capitale. De l’avis général, le médecin Pierre Chirac (1718-1732) avait desservi l’établissement : « ce qu’il fit de pis, écrit de lui le duc de Saint-Simon, c’est qu’il ne mit rien au jardin des simples, n’y entretient quoi que ce soit, en tira pour lui la quintessence, le dévasta, et en mourant le laissa en friche, en sorte qu’il fallut le refaire et le rétablir comme en entier ». Comme le souligne Bernard de Fontenelle dans l’éloge posthume de Charles du Fay, les sept années qui suivent sont de fait une période de reconstruction pour le jardin, qui n’a plus rien à envier au milieu du siècle à ceux du roi d’Angleterre et de l’université de Leyde.
En 1734, Séguier décide d’assister aux démonstrations botaniques d’Antoine de Jussieu. Pour en conserver la trace, il dresse le catalogue des 3570 plantes qui sont présentées et expliquées, avec un index (BMN, ms. 84). Parallèlement, il dessine le « plan du grand carré des plantes médicinales », aujourd’hui relié dans un des recueils de botanique (BMN, ms. 81). La relation entre ces deux mises en ordre, par la liste et par le plan, est suggéré par Séguier dans son récit de voyage : « Je fis le dessin du carré de ce jardin où l’on fait cette démonstration et où les plantes sont cultivées. » (BMN, ms. 129, fol. 33v). On peut assez facilement localiser ce grand carré sur le plan général du Jardin que fait dresser quelques décennies plus tard Gabriel Thouin pour organiser l’agrandissement du jardin jusqu’à la Seine et l’aménagement de grandes serres pour les plantes exotiques. Les trois colonnes de platebandes, le bosquet aménagé et le pan coupé au sud-ouest sont facilement reconnaissables sur le dessin de Séguier comme sur le plan de Thouin. Les deux supports sont articulés par la numérotation des platebandes, portée à la fois sur le dessin de Séguier et dans le catalogue des plantes montrées. Le « plan du carré » porte en réalité une double numérotation. Les lignes de platebandes sont d’abord numérotées du nord au sud, de 1 à 40, sans doute pour faciliter l’orientation générale du visiteur. À l’intérieur de chaque platebande, deux rangées sont ensuite distinguées et l’ensemble de ces rangées est numéroté de 1 à 214. La numérotation se fait cette fois en remontant du sud vers le nord, d’est en ouest pour les rangées du bas, d’ouest en est pour les rangées du haut, de sorte que la numérotation dessine un itinéraire sinueux, peut-être celui adopté au moment des démonstrations. Les démonstrations de Jussieu excèdent le cadre des plantes médicinales : dans le catalogue, le nombre de platebandes visitées atteint 239, auxquelles s’ajoutent les 67 rangées d’arbres et les plantes exotiques, dont les aloés et le fameux draco arbor admiré par Séguier.
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Plan du grand quarré des plantes médicinales du Jardin du Roy en 1734 à Paris
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Plan général du Jardin du Roi des Plantes à Paris avec les projets de G. Thouin
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Catalogus plantarum Horti Regii Parisiensis quas indigitavis Cl. Vir. Anton. De Jussieu M.D. Anno 1734
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Catalogue des plantes du jardin du Roi montrées par Antoine de Jussieu en 1734
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Draco arbor
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The dragon tree, gravure d'Elizabeth Blacwell, Londres, 1737