La mue véronaise (1736-1755)
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Les vingt-trois années que Séguier passe au Palazzo Maffei sont probablement les plus fertiles de sa vie, puisque l’essentiel de sa production savante imprimée est rédigée ou mise en chantier à Vérone.
Comme le montrent les travaux d’Ivano Dal Prete, la cité jouit à cette date d’une réputation littéraire et scientifique qui dépasse le cadre des États du Nord de la péninsule italienne, au point d’être devenue un lieu de circulation intellectuelle et savante privilégié, en relation étroite avec Padoue, Venise et Bologne. Si Séguier considère alors Maffei comme le « patron des lettres et celui qui met tout en train », la vie intellectuelle véronaise est en réalité bien plus riche et multiforme. Le propos traduit toutefois bien l’ambiguïté de son propre statut et la complexité des liens qu’il entretient avec celui qu’il qualifie en 1756 de « Mécène », à « l’école » duquel il s’était « formé ».
Lanfranco Franzoni a ainsi souligné l’importante et constante implication de Séguier dans les travaux de Maffei, principalement dans le domaine de l’épigraphie et des antiques en général, où ses talents de dessinateur et ses vastes connaissances ont beaucoup apporté au marquis. Séguier contribue ainsi fortement à la réalisation du Museum Veronense publié en 1749, comme le souligne d’ailleurs leur contemporain Gian Giacomo Muselli.
Les voyages continuent : Séguier accompagne Maffei dans deux grands périples au moins, qui lui permettent de nouer de précieux liens à travers la péninsule. L’ancienne Étrurie est le principal objet du voyage de 1738, entrepris à une époque où l’érudition s’attache à percer les fondements de « l’Italie primitive » à travers des vestiges étrusques aux contours incertains. Maffei s’intéresse particulièrement aux sept Tabulæ Iguvinæ, sur l’interprétation desquelles il est en conflit avec Gori (il s’agit en fait d’un texte en langue osque). Séguier relève systématiquement à cette occasion les inscriptions latines, grecques et « étrusques » rencontrées. Le second voyage, du printemps à l’automne 1739, répond quant à lui à la volonté d’ériger le Museum véronais projeté par Maffei, en acquérant le plus d’inscriptions possible, quitte à sacrifier « médailles rares, pierres gravées, livres ». Ce séjour romain s’avère particulièrement intense. Non content de s’occuper de la mise en caisse et de l’emballage des objets et marbres, Séguier affirme avoir vérifié et retranscrit près de 4 000 inscriptions, consignées dans un fort volume, tout en visitant avec assiduité les grandes collections romaines (Museo Capitolino, Museo Kircheriano, cours du Belvédère, Palazzo Capponi, Palazzo Odescalchi, etc.). En plus des nombreux séjours à Padoue et à Venise (1744, 1751 notamment), Séguier et Maffei passent également quelques semaines à Milan (1742 et 1743) ou à Turin en 1743, à l’occasion desquelles Séguier parcourt le Val d’Aoste.
Ces pérégrinations érudites contribuent à le faire entrer en relation avec des figures savantes très diversifiées qui lui permettent dès la fin des années 1730 de bénéficier d’un réseau d’échanges enviable s’étendant, à l’exception du royaume de Naples, à l’échelle de la péninsule. Il entretient notamment des relations durables avec le médecin Giovanni Bianchi, à Rimini ou avec le grand antiquaire Annibal Degli Abati Olivieri à Pesaro. À Florence il fait la connaissance du médecin Niccolo Gualtieri et du chevalier de Baillou. Si Séguier ne semble pas avoir conservé de liens particuliers avec les milieux savants romains, il noue en revanche des liens étroits avec Carlo Allione à Turin. Ces relations s’ajoutent aux liens noués en Vénétie ou à Bologne : Séguier est ainsi relativement proche des Muselli, oncle et neveu, de Giovan Giacoppo Dionisi, du mathématicien Giuseppe Torelli, ou de la famille Sagramoso. Il entretient également des relations de travail avec l’astronome Gian Paolo Guglienzi, avec qui il publie ses observations sur la comète en 1744, avec Giulio Cesare Moreni ou avec l’archiprêtre de Grezzana, Gian Giacomo Spada, dont il rachète une partie de la collection avec l’aide de Maffei. Les réseaux relationnels de Maffei lui ouvrent enfin de nombreuses portes à Venise, notamment au sein de l’aristocratie.
Les réseaux relationnels noués par Séguier entremêlent de fait de manière assez harmonieuse ses propres liens personnels (Carlo Allione à Turin, les frères di Blasi à Palerme et à Rome, les pères Paciaudi et Corsini), aux relations nées de sa proximité avec Maffei. L’inébranlable fidélité dont il fait toujours preuve le contraint toutefois à déployer de véritables trésors de diplomatie et d’habileté pour se mouvoir entre les obstacles que finissent par dresser les « querelles littéraires » et les polémiques (contre Gori et Muratori essentiellement) que le marquis entretient, notamment dans les Osservazioni letterarie qu’il fait paraître entre 1737 et 1740. C’est particulièrement le cas dans le domaine de l’antiquariat, et notamment de l’épigraphie, où Séguier reste plus étroitement associé aux travaux de Maffei.
L’intégration de Séguier au sein des milieux savants ultramontains repose en grande partie sur le rayonnement intellectuel du marquis, sur l’accès à l’instrumentarium du palazzo Maffei, mais aussi sur la réputation de sa correspondance « étrangère », notamment celle qu’il entretient avec la France, la Suisse, voire avec les différentes composantes du Saint Empire, par l’entremise de Schlaeger.
Le catalogue général des inscriptions antiques, qu’il a entrepris dès sa rencontre avec Maffei et auquel celui-ci renonce en 1736 quand paraît le premier volume du Thesaurus de Muratori, contribue de surcroît beaucoup à son affirmation au sein du monde antiquaire. Un premier état mis en forme voit le jour dès 1749, mais Séguier ne parvient jamais à achever la besogne. Sa renommée s’affirme de manière plus assurée à l’occasion des grands travaux qu’il publie dans le domaine des sciences naturelles, domaine dans lequel ne s’illustre guère son brillant mentor. Outre sa Bibliotheca botanica, imprimée à la Haye en 1740, il publie les deux premiers volumes des Plantæ Veronenses (1745), suivis en 1754 par le Plantarum quæ in agro Veronensi reperiuntur supplementum, augmenté d’un supplément à sa Bibliotheca botanica. À partir de 1745, il commence à s’intéresser aux pétrifications. Il réalise une étude exhaustive des fossiles du Monte Bolca, dessinant lui-même 72 planches à partir de l’observation de ce qu’il possède. Achevées en 1751, les Pétrifications du Véronais ne sont toutefois jamais publiées.
Cet intérêt pour les fossiles s’avère déterminant dans la structuration des réseaux d’échanges qui accompagnent l’extension progressive de sa correspondance. Les pétrifications, extraites des pescarie du Monte Bolca, et plus globalement les richesses naturelles du Véronais, du Vicentin ou de la basse vallée du Pô, contribuent ainsi à étayer dès la fin des années 1740 les réseaux d’échanges, notamment en France et dans le monde germanique, où Séguier manquait de relais. Ils atteignent un véritable point d’acmé au début des années 1750, époque où Séguier réussit peu à peu à s’affirmer de manière plus autonome, comme tendent à le montrer la multiplicité de ses affiliations académiques : huit en 1755, dont cinq en Italie (Académie des sciences de Bologne en 1750, Accademia Augusta de Pérouse en 1752, Accademia degli Agiati de Rovereto en 1754, Accademia del Buon Gusto de Palerme et Académie philharmonique de Vérone en 1755) et trois en France (Académie des sciences de Montpellier et Académie royale des sciences en 1749, Académie royale de Nîmes en 1752).
La mort de Scipione Maffei, le 12 février 1755, met finalement un terme à ce long séjour Véronais. Malgré les offres obligeantes de Gian Francesco Maffei, le neveu du défunt, Séguier décide de rentrer à Nîmes, où il est assuré de jouir de rentes confortables. Légataire, avec Giuseppe Torelli, d’une partie des scritti, fogliolini, e memori laissés par Maffei, il met en ordre ces derniers, tout en préparant le passage en France de ses propres collections. Après une dernière incursion dans les monts du Vicentin et du Véronais, suivie d’un bref séjour à Padoue et à Venise, il prend la route du retour, le 1er octobre 1755, s’arrêtant longuement à Turin et à Lyon.
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Collection
Descrizione dei tredeci communi del Veronese
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Description
Carte des environs de Vérone
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Source
Voyages en Italie et cabinets visités (1736-1755)
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Description
Carte réalisée à partir des données du ms. 129.
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Date
Plantarum quae in agro veronensi reperiuntur supplementum (Vérone, 1754)
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Description
Traité des plantes véronaises, par Séguier.
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Source
Date
J.-F. Séguier, Histoire des pétrifications du Véronais, dessin aquarellé
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Description
Dessin aquarellé réalisé par Séguier pour son traité des pétrifications du Véronais, jamais publié.